Marie-Louise Charlotte Rabec, la sœur de mon arrière grand-père

Melancholia, vers 1627 - 1628 (Hendrick Ter Brugghen)

Le dernier jour de Marie-Louise


Je ne connaissais pas Marie-Louise - la sœur de mon arrière grand-père Pierre - avant d'entreprendre des recherches sur sa vie. Personne dans la famille n'en a entendu parler. J'ai donc tristement fait sa connaissance par l'entremise d'un article de presse qui annonçait son décès.

Car le fait le plus extraordinaire de la vie de Marie-Louise Charlotte Rabec fut étrangement sa mort. Le matin du 2 février 1924, à l'âge de 44 ans, Marie Louise Rabec met fin à ses jours en se pendant dans le couloir de son appartement à Cabourg.


L'Ouest-Éclair - 9 février 1924

C'est ainsi que débutèrent mes recherches sur Marie-Louise.


Les premiers jours de Marie-Louise (1879)


Pont-Hébert (avant 1944)
L'histoire de Marie-Louise commence à 120 kilomètres de Cabourg, le 29 mai 1879, dans le hameau de la Houcharderie dont j'ai déjà eu l'occasion de vous parler. Marie-Louise y naît à six heures du matin, au domicile de ses parents - Pierre Désiré Rabec et Aimée Louise Lebasnier.

Ses parents sont tous les deux cultivateurs. Marie-Louise est leur troisième enfant après Pierre (3 ans) mon arrière-grand-père et Clémence (1 an). Quatre autres enfants suivront : Léa (1881), Julia (1884), Emile (1889) et Tranquille (1894).

Comme le veut l'usage en pays cauchois, Marie-Louise est baptisée le jour suivant sa naissance sur les fonds baptismaux de l'église Saint-Pierre de Pont-Hébert. On confie l'organisation du baptême à sa marraine Estelle Lebasnier (la sœur de sa mère) et son parrain Charles Olive (le mari d'Estelle). Le père est marqué absent le jour de la cérémonie.

Acte de baptême de Marie-Louise Rabec (1879)
De l'enfance de Marie-Louise, je ne connais pas grand chose. J'imagine que comme son frère Pierre et sa sœur Clémence, Marie-Louise sait lire et écrire. Comme le prévoit la loi à l'époque, à l'âge de six ans, Marie-Louise ira sans doute à l'école des filles du bourg à Pont-Hébert tenue par la sœur Melle Gazensel jusqu'en 1902 puis par Mme Deteuve.

École de filles de Baugé – Leçon de choses : botanique. Vers 1900, DR, carte postale. Photographie anonyme. Collections du MUNAÉ (Illustration)


Puis à l'âge de 13 ans, une fois le certificat d'étude obtenu, elle sera sans doute employée comme domestique dans une famille des environs ou aidera sa famille à la ferme.

Emile Auguste Guelle, le mari de Marie-Louise (et également son cousin) (1904)


Le 12 avril 1904, Marie-Louise Rabec a 25 ans. Elle épouse Emile Auguste Guelle un jeune homme d'1m63 aux cheveux blonds et aux yeux bleu comme l'indique son dossier militaire.

Emile Auguste et Marie-Louise ne sont pas de parfaits inconnus l'un pour l'autre. Ils sont cousins au premier degré. Leur mère sont sœurs. Le mariage entre cousins n'a rien d'inhabituel à l'époque.

Acte de mariage d'Emile Auguste Guelle et Marie-Louise Rabec (1904)

En lisant l'acte de naissance du mari de Marie-Louise, je découvre que celui-ci est né de père inconnu. C'est son grand-père - Théophile - qui comparait devant l'officier de l'état-civil le 15 septembre 1878 à Neuilly-la-Forêt dans le Calvados pour déclarer la naissance de son petit-fils né la veille à son domicile. Le nourrisson a pour mère Félicité Eugénie une enfant d'à peine 18 ans qui occupe l'emploi de domestique.

Aussitôt après la naissance de son fils, Félicité confie son enfant aux bons soins du grand-père Théophile Lebasnier et de sa femme Adélaïde Robe,  à Neuilly-la-Forêt comme en atteste le recensement de la ville daté de 1881. Elle poursuivra pendant ce temps son emploi de domestique à Airel.

Recensement de Neuilly-la-Forêt (1881)
Félicité y fait la connaissance d'Eugène Guelle qu'elle épouse à Airel le 13 août 1882. Lors de leur mariage les deux époux reconnaissent Emile Auguste comme leur enfant. D'un coup de crayon, Emile Auguste né Lebasnier devient Emile Auguste Guelle.

L'installation du couple à Cabourg (1904-1924)


A l'âge de 20 ans Emile Auguste Guelle comme tous les garçons de son âge fait son service militaire. Peu après avoir terminé son service militaire, qui aura duré trois ans, et où il sera clairon, il épouse donc Marie-Louise et le couple emménage à Dives-sur-Mer puis à Cabourg (juste à côté) comme en atteste le recensement de 1906.

Recensement de Cabourg - (1906)

L'installation tout à côté de Dives-sur-Mer n'a rien d'innocente et c'est sans doute attiré par les perspectives d'emploi que le couple s'y installe. C'est en effet exactement à cette époque qu'y est créée la société d'électro métallurgie qui deviendra un centre d’attraction économique fort pour toute la région. 

Des communes avoisinantes, de Normandie, de Bretagne mais également d'au-delà (du Maroc, de Russie, de Pologne) on vient à Dives pour y trouver un emploi.

C'est ainsi qu'Emile Auguste rejoint la société d'électro métallurgie vers 1903 où il occupera le poste de tréfileur (celui qui a la responsabilité de transformer des plaques de métal en bobines de fil) pendant plus de trente années.

L'arrivée en vélo - Coll. Redouani (~1910?)
Dives-sur-mer - Sortie de l'usine (~1910?)

Quelques années après leur installation à Cabourg, Marie-Louise donnera naissance à leur enfant, Hélène Louise Pierrine, le 22 février 1908.

Recensement de Dives-sur-Mer (1921)

Un samedi matin froid de février 1924, Emile Auguste part travailler comme chaque matin depuis vingt ans à l'usine de Dives. L'après-midi on l'avertira du décès de sa femme retrouvée par trois de ses voisines pendue dans le salon de leur appartement rue de Gonneville.

Nous sommes en 1924. Marie-Louise laisse derrière elle un mari - Emile Auguste - âgé de 46 ans et leur enfant Hélène âgée de 16 ans.

Le Marilou 


Je vous emmène maintenant en 1957 à Dives-sur-mer. Trente-trois ans ont passé depuis le décès tragique de Marie-Louise.

Un marin du port de Dives-sur-mer accueille sur son bateau de pêche le Docteur Bombard, docteur en biologie humaine. A cette époque le docteur Bombard est connu pour ses travaux sur la survie en mer. En 1952, il a traversé en solitaire l'océan Atlantique pendant 65 jours sur un canot pneumatique.

Ce jour-là, le docteur Bombard se rend à Dives-sur-mer pour y tester son matériel de survie en haute-mer. Mais ce n'est pas tant le docteur Bombard qui m'intéressera que le marin qui l'accueille et l'accompagne pour sa sortie en mer. 

Le marin s'appelle Paul Harache. Paul est l'époux d'Hélène Guelle - la fille de Marie-Louise.

Le bateau de Paul s'appelle le Marilou - contraction du prénom Marie-Louise

"A Paul en toute amitié - Bombard"
Article de presse (1957)